Grenoble - les années 60 - le grand tournant - Episode 1
Les années 60 ou sixties, un monde s'effaçait, un autre naissait plus urbain , plus technologique, plus consumériste et politiquement plus stable. Durant cette décennie, comme dans le reste de la France, Grenoble a subi une mutation en un temps record. La population grenobloise se stabilise enfin autour de 160 000 habitants.
Entre le magistère de Paul Mistral ,maire socialiste novateur de 1919 à 1932 et l'arrivée en 1959 d'Albert Michallon, maire gaulliste, Grenoble a certes progressé mais de façon chaotique. Si l'économie fonctionne bien , l'urbanisme a été laissé en jachère. Les quartiers au sud des grands boulevards se sont développés de façon anarchique et les problèmes de logement (bidonvilles et manque de logements décents) n'ont pas été résolus malgré l'urbanisation de la banlieue proche. Les infrastructures ont pris un retard considérable, à peine digne d'une ville de 80 000 habitants alors que la population de l'agglomération dépasse les 300 000.
Les années Michallon
Les élections municipales de 1959 ont permis l'accession au fauteuil de maire d'Albert Michallon (1912-1976) ancien résistant et chirurgien au CHU de Grenoble. Sous son nom il a rassemblé le ban et l'arrière-ban de la droite (UNR gaulliste et Indépendants) en l'emportant face à une gauche divisée entre communistes (PCF) et socialistes (SFIO).
Conscient des faiblesses de Grenoble accumulées depuis des décennies, il prit les 1ères décisions qui permettront à la ville de devenir une métropole. Ce fut le plan d'urbanisme conçu par l'architecte Henry Bernard en 1963 (partiellement réalisé) qui sera l'amorce d'une intercommunalité et l'obtention des jeux olympiques d'hiver en 1964 (un succès planétaire) pour l'année 1968 qui entraîna le financement de nombreux projets d'équipements et d'infrastructures.
Mais l'homme était autoritaire,et sa profession lui interdisait de consacrer le temps nécessaire à son mandat. Et lui et son équipe restaient l'incarnation d'un électorat en perte de vitesse sur Grenoble.
Les élections municipales de 1965
la mutation économique de la France ,début de la tertiarisation de l'économie,et de Grenoble ,passage d'une industrie à dominante métallurgique à une économie basée sur des technologie de pointe, provoquèrent de profonds changements sociologiques. A coté des composantes sociales traditionnelles (ouvriers, bourgeoisie, militaires, commerçants, artisans...), apparut une nouvelle classe moyenne technologique (cadres et employés).
Entre un PCF très implanté dans le monde ouvrier et la droite UNR – indépendants, de nouvelles forces politiques ont su capter les aspirations de cet électorat naissant. Il s'agissait du GAM ,sorte de laboratoire de démocratie participative impulsé par des militants classé à gauche notamment de la gauche catho et animé par Hubert Dubedout et du PSU (Parti socialiste unifié) créé par des militants laïcs de gauche. S'alliant avec une SFIO vieillissante et en perte de vitesse, ces forces politiques s'installèrent au centre du jeu politique entre le PCF et la droite gaulliste.
Mars 1965, 1er tour des élections municipales, les électeurs ont tranché. La droite gaulliste vire en tête avec 45,2% des voix mais n'a aucune réserve, le PCF s'effondre à 22,5% (entre 30 et 40% dans les années 50). Entre les 2, la liste GAM/PSU/SFIO d'Hubert Dubedout s'impose avec plus de 32,3% des voix mais l'abstention dépasse les 30%. Pour le second tour le PCF appelle à l'abstention mais le report d'une grosse partie de son électorat sur la liste Dubedout permet à celle-ci de l'emporte d'un cheveu sur le maire sortant(51,2% contre 48,8%).
Les débuts d'Hubert Dubedout
Hubert Dubedout (1922-1986) est un ancien officier de marine et ancien résistant qui est arrivé à Grenoble en 1958 suite à un détachement au CEA-Grenoble. Un simple problème de robinet (l'eau n'arrivait pas aux étages dans certains quartiers) le décida à lancer une pétition qui réunit plus de 2000 signatures et à fonder un syndicat des usagers de l'eau. Il prit goût à l'action publique et collective ce qui le mit en relation avec des militants de gauche avec lesquels il fonda le GAM et se lança en politique.
Cette équipe avait été élue pour un renouveau de la gouvernance municipale selon les désidérata de son électorat (démocratie participative, organisation d'un développement urbain à caractère social avec l'installation d'équipements de quartier, nouvelle politique culturelle), mais l'urgence était alors aux jeux olympiques, Hubert Dubedout ayant gardé le projet au chaud. Mais tout restait à faire.
Après 3 ans de dur labeur et malgré les fictions avec le COJO dont l'ancien maire avait conservé la direction, la tâche fut menée à bien et les jeux furent un succès internationnal. Grenoble sortit-elle gagnante dans l'affaire ? Incontestablement oui. Le prix à payer fut lourd mais grâce l'inflation des années 70 , la facture fut rapidement dévaluée et allégée. Temps béni ou les deniers de l'état couvrait 70% de la facture ! Et puis le retard en infrastructures fut largement comblé et certains projets en panne depuis des années, stratégiquement glissés dans l'enveloppe des JO purent être réalisés. Par contre, le peuple dauphinois resta assez contracté face aux festivités. Le grenoblois, même d'adoption n'est pas d'un tempérament très fantaisiste. Le goût du ski nordique et du hockey sur glace furent les seuls apports des JO à la culture sportive grenobloise.
Les 3 années suivantes (1968-1971) furent principalement consacrées au projet du quartier Villeneuve qui remplaçait le volet du plan Bernard concernant les terrains libérés par l'ancien aéroport de Grenoble et situés à la limite sud de la ville. Ce projet englobait au delà de l'aspect immobilier tous ceux de la vie socio-culturelle. Les géniteurs du projet avait bien retenu les leçons de Gramsci pour qui le combat culturel précède le combat politique pour s'assurer la victoire et ce fut effectivement le cas pendant plus d'une décennie.
Le camp d'en face
La victoire d'Hubert Dubedout avait laissé KO debout la droite. Aucune équipe et aucun leader n'émergeait de la droite grenobloise ce qui inquiétait fortement le patron départementale de la droite Aimé Paquet. Aux législatives 1967, dans la principale circonscription de Grenoble (2ème de l'Isère) le député sortant gaulliste (UNR)est balayé par le candidat de gauche , une pointure issue de 4ème république l'ancien président du conseil Pierre Mendès-France alias PMF( 54,2% contre 45,8%, près de 5300 voix de différence). En 1968, le match retour opposant PMF à un poids lourd du gouvernement gaulliste , Jean-Marcel Jeanneney (ancien doyen de l' université grenobloise) vit la victoire de ce dernier avec 132 voix d'avance.Mai 68 était passé par-là. Mais celui-ci ne s'enracina pas à Grenoble et la droite n'avait toujours pas de personnalité politique de poids à opposer à Hubert Dubedout.
Du coté de l'opposition de gauche , entre le marxisme du PCF et le social-chrétien démocrate Hubert Dubedout, il n'y avait pas grand-chose de commun. Devenu le patron de la force de gauche dominante dans Grenoble, il ne faisait aucun effort pour arriver à un compromis avec les communistes. Bien qu'affaibli à Grenoble , le PCF conservait une force frappe redoutable qui se concrétisait par un poids électoral non négligeable au niveau départemental (24,8% aux législatives 1962 , 24% aux législatives 1967). Il avait d'ailleurs gagné 2 députés qu'il reperdit en 1968.
Porte de France , entrée du nouvel autoroute ouvert pour les Jeux Olympiques de 1968 (Photo Dauphiné Libéré)
Surélévation de la voie de chemin de fer reliant la Gare SNCF au grands Boulevards (début années 60) - Photo Dauphiné libéré
Construction de l'autopont des grans Boulevard enjambant le cours Jean Jaurès en 1967. Il a été détruit en 2006 lors de la construction de la ligne C du tramway
Les début du chauffage de ville . La chaufferie avenue Léon Jouhaux en 1964. Au départ , c'est le charbon de la Mure qui l"alimentait en matière première (Photo Jack Lesage)
Grenoble - les années 60 - le grand tournant - Episode 2 - GRENOBLE - la ville et sa région
En dehors de l'actualité politique, quelques grandes orientations qui marquent Grenoble dans les années 60... Transformation économique L'i ndustrie à Grenoble connaît une expansion sans préc...
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