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GRENOBLE - la ville et sa région Plans, photos et images

Grenoble - les années 60 - le grand tournant - Episode 2

jean martin

En dehors de l'actualité politique, quelques grandes orientations qui marquent Grenoble dans les années 60...

Transformation économique

L'industrie à Grenoble connaît une expansion sans précédent . En 1946, moins de 40% de la population active travaillait pour l'industrie. Vers la fin des années 60 , 52% des salariés travaillent pour l'industrie mais avec une population qui a beaucoup changée. Progressivement les manœuvres et ouvriers sont remplacés par du personnel plus qualifié (ingénieurs et techniciens) dans grand nombre de secteurs d'activité.

 

La métallurgie et l'électromécanique sont dominantes. A elles seules 5 entreprises font travailler la moitié des salariés de l'industrie. Merlin-Gerin, créé en 1920 est passé en 40 ans du petit atelier au grand groupe et emploie à Grenoble plus de 7000 personnes en produisant toute une gamme de produits électriques et électronique de base. Neyrpic ,né directement la houille blanche en 1917,emploie en 1962 près de 4000 personnes fabriquant des turbines pour le barrages. Caterpillar, un grand groupe américain s'installe à Echirolles et à Grenoble au début des années 60. 1500 salariés assemblent du matériel de chantier (bulldozers et tractopelles). La SECEMAEU ,né en 1943 (société d'electrochimie et d'electrométallurgie des aciéries électriques d'Ugine) emploie 1500 salariés Elle produit des poudres métalliques : cobalt, tungstène, poudres pré alliées. Ces poudres sont destinées à 3 types d'applications : Outils diamantés, Carbures cémentés et Matériaux denses à base de tungstène Les établissements Bouchayer-Viallet 1000 salariés, né en 1868 sont aussi l'un des enfants de la houille blanche et fabrique des conduites forcées pour les barrages.

 

50 ans après, le paysage économique a bien changé. Merlin-Gerin a été absorbé par Schneider Electric mais est toujours aussi prépondérant sur le bassin grenoblois en terme d'emploi. Après une succession de fusion et de rachat, Neyrpic n'est plus qu'une grosse PME parmi tant d'autres à Grenoble. La SECEMAEU est devenu Eurotungstène poudre filiale d'UGITECH depuis 2017 mais a fortement rétrécit dans Grenoble . Les établissements Bouchayer-Viallet ont disparu au début des années 70.

 

Ce monde économique grenoblois stricto-sensus est beaucoup plus diversifié que ce que l'on connait en 2018. D'autres acteurs économiques ont su faire leur place. L'industrie textile (Gants Perrin, Valisère, Lou), agro-alimentaire (pates Lustucru, Chocolats CEMOI, Sirop Teisseire) et les entreprises travaillant pour les sports d'hiver (vêtements Moncler, tentes André Jamet).D'autres entreprises étaient installées à Grenoble depuis des décennies comme les boutons pression A. Raymond (1876) ou les Ciments Vicat (1857).

 

Depuis le milieu des années 50, le secteur de la recherche commence à s'implanter dans la presqu'ile au Nord-Ouest de la ville : le CENG (CEA-Grenoble), le CNRS, l'institut Laue-Langevin et devient en importance le 2ème centre de recherche scientifique de France après Paris. Son poids économique ira en grandissant au fil des décennies et en essaimant dans ce que l'on appelle la haute technologie, supplantera les autre secteurs d 'activités.

 

Mais l'effacement du patronat local dans l'industrie et autres secteurs comme la banque au profit d'un déménagement des centres de décision vers la capitale devient un mouvement irréversible. Le conflit social déclenché à Neyrpic en 1962 est symptomatique de ce changement. Cette entreprise octroyant des salaires supérieurs de 10 à 20% en moyenne aux autres entreprises grenobloises, un patron (Henri Dagaillier) sensible à la doctrine sociale de l'Eglise qui pratique une politique volontariste, des syndicats (CGT majoritaire mais aussi FO et la future CFDT) très implanté parmi le personnel, le décors est planté. La croissance rapide de l'entreprise entraîne des besoins financiers importants. Les banques prêtent à la condition qu'Alsthom déjà actionnaire minoritaire prenne le contrôle de la société et que le patron soit limogé. L'arrivée d'un nouveau dirigeant, le PDG d'Alsthom et la remise en cause des avantages sociaux provoque un violent conflit et déclenche le début de restructurations qui se succéderont au grès des différents propriétaires de l'entreprise .

 

Ce conflit est le premier durant lequel les cadres de l'entreprise ainsi que le milieu universitaire et de nombreuses associations de gauche s'impliquent au coté des syndicats ouvriers. De nombreux acteurs se révèleront tant du coté communiste (Exemple 2 futurs maires de banlieue Jo Blanchon et Gilbert Biessy sont issus de Neyrpic)que de la gauche non communiste. Ce conflit met aussi en évidence la montée en puissance de populations issues des classes moyennes technicienne ou tertiaire.

Merlin-Gerin : le berceau sur la presqu'ile au bord de l'Isère

Merlin-Gerin : le berceau sur la presqu'ile au bord de l'Isère

MG en 1964 - batiment dans la presqu'ile.

MG en 1964 - batiment dans la presqu'ile.

Usine MG entre Teisseire et St Martin d'Hères

Usine MG entre Teisseire et St Martin d'Hères

Neyrpic dans le quartier Beauvert

Neyrpic dans le quartier Beauvert

Neyrpic dans le quartier Beauvert (Avenue Léon Blum)

Neyrpic dans le quartier Beauvert (Avenue Léon Blum)

Une pub sur Neyrpic

Une pub sur Neyrpic

Usine Eurotungstène dans le quartier des Eaux-Claires en 1961 fondé en 1949

Usine Eurotungstène dans le quartier des Eaux-Claires en 1961 fondé en 1949

Usine Bouchayer-Viallet

Usine Bouchayer-Viallet

Cimenterie Vicat quand elle était présente dans Grenoble (Limite Quartier de l'Esplanade et quartier St Laurent

Cimenterie Vicat quand elle était présente dans Grenoble (Limite Quartier de l'Esplanade et quartier St Laurent

Autre photo de la cimenterie Vicat

Autre photo de la cimenterie Vicat

L'université

L'université de Grenoble est née au moyen-âge (ouverte en 1339, fermée en 1565 ré-ouverte en 1801) mais est longtemps restée cantonnée à un rôle insignifiant dans Grenoble,face à la concurrence d'universités bien plus prestigieuses. En 1900, elle ne comptait qu'à peine plus de 500 étudiants. En 1946, on comptabilisait environ 4000 étudiants .

 

La création de l'association des amis de l'université par Paul-Louis Merlin ,patron de Merlin-Gerin avec l'appui des milieux patronaux locaux en 1947 accélérera le développement de l'université. Son rôle de financier et de lobbyiste aida à décrocher les moyens nécessaires auprès des pouvoirs publics. D'autre part depuis 1907, l'INPG (Institut National Polytechnique de Grenoble) fournissait des bataillons d'ingénieurs aux industries électriques .La création en 1956 du CENG (Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble) grâce à l'action de Louis Néel ainsi que de tous les laboratoires qui se sont créés et installés dans son sillage ont favorisé la promotion des formations scientifiques de haut niveau. Cette période d'intenses initiatives fut l'âge d'or de la coopération entre l'université et l'industrie.

 

Dès les années 60, les chiffres commencent à s'emballer comme un peu dans toute la France. Les murs des facultés du centre-ville est prêt à craquer sous le nombre. Grâce à l'effort considérable fourni par le pouvoir gaulliste ,la création du campus universitaire aux portes de Grenoble, à St Martin d'hères de 183 Ha en 1963 répondit aux besoins de surface. Entre 1960 et 1971,à Grenoble , le nombre d'étudiants triple, passant de 7700 à 25000.

 

L'onde de choc du conflit Neyrpic de 1963 eut des répercussions jusque dans l'université en provoquant le divorce entre elle et le patronat local. Une époque se refermait. En 1947, Jean-Marcel Jenneaney doyen de l'université se retrouvait au milieu des patrons de l'association des amis de l'université. En 1963, le doyen est au coté des grévistes de Neyrpic. Finalement, à la fin des années 60 ,une boutade circulait affirmant que le ski était bien plus efficace pour attirer les jeunes talents que   l'université.


 
Le 1er batiment de l'univeristé (Place de Verdun) - Construite vers milieu XIXème siècle

Le 1er batiment de l'univeristé (Place de Verdun) - Construite vers milieu XIXème siècle

Même batiment avec vue sur la place de Verdun

Même batiment avec vue sur la place de Verdun

1er Batiment de l'INPG- avenue Felix Viallet (aujourd'hui éclaté sur le campus et la presqu'ile dans des locaux beaucoup plus grands)

1er Batiment de l'INPG- avenue Felix Viallet (aujourd'hui éclaté sur le campus et la presqu'ile dans des locaux beaucoup plus grands)

Institut Fourier - place Doyen Gosse  (construit en 1938) actuellement IUT informatique, carrières Juridiques et sciences sociales

Institut Fourier - place Doyen Gosse (construit en 1938) actuellement IUT informatique, carrières Juridiques et sciences sociales

Maison des étudiants (une des plus anciennes cités U) sur les grands boulevards

Maison des étudiants (une des plus anciennes cités U) sur les grands boulevards

Bibliothèque universitaire sur Blv Agutte Sembat

Bibliothèque universitaire sur Blv Agutte Sembat

Les début du campus en 1963 - commune limitrophe de St Martin D'Hères

Les début du campus en 1963 - commune limitrophe de St Martin D'Hères

La campus universitaire avec le Mont Rachais en arrière plan

La campus universitaire avec le Mont Rachais en arrière plan

Vue globale du campus  début années 70

Vue globale du campus début années 70

autre vue globale du campus  début années 70

autre vue globale du campus début années 70

Résidence Ouest en 1970

Résidence Ouest en 1970

cité U Résidence Ouest  située sur le campus

cité U Résidence Ouest située sur le campus

Autre cité U sur le campus

Autre cité U sur le campus

Les grands ensembles


 

L'explosion démographique qui secoue Grenoble depuis la fin de la guerre et le manque d'habitations décentes dans les vieux quartiers du Nord de la ville entraîne une demande importante de nouveaux logements. La production industrialisée sous forme de gros programmes immobiliers permit de combler cette pénurie.

 

Dans les années 50, on avait déjà atteint des ensembles de 500 logements (projet des Alpins dans le quartier du même nom). A partir des années 60, on passe à la vitesse supérieure. Dans le Sud de Grenoble , sortent de terre les grands ensembles HLM Leon Jouhaux (1960), Teisseire (1962), Le quartier Mistral (à partir de 1966) et le Village Olympique (1967). Dans les banlieues ouvrières , le traitement est identique, Les Floralies à Fontaine, les tours des Tritons et les Iles de Mars au Pont-de-Claix, La Luire à Echirolles, La Buisserate à St Martin le Vinoux... Plusieurs milliers de caisses à savon enlaidissent ainsi ces terres restées longtemps vierges de constructions.

 

Destinées à l'origine à promouvoir la mixité  et l'ascenseur social pour les employés, ouvriers et réfugiés (pieds-noirs) des années 60, ces habitations deviendront le terminus des classes populaires à partir des années 80. Considéré au départ comme un immense progrès (eau courante, chauffage central et salle de bain en standard) par rapport aux vieux quartiers populaires la qualité médiocre de construction subira l'outrage du temps. De rénovation en destruction, de politique de la ville en ZUS, CUCS et autres acronymes technocratiques, rien n'a arrêté la dégringolade de ces dinosaures urbanistiques.

 

Prévus pour les nouvelles classes moyennes et urbaines, d'autres programmes immobiliers sont construits, imposants mais de taille plus modeste, la Mutualité (l'ancien faubourg avait été complètement rasé), Malherbe, les 3 tours de l'Ile verte... C'est aussi le début de la belle époque des immeubles résidences et des tours Rhonalcoop de 10 à 15 étages avec beaucoup de verdure et de parking autours. La plupart des lotissements de maisons sont refoulées dans la 1ère couronne grenobloise , dans les banlieues résidentielles et ouvrières.


 

C'était avant  ( quelques exemples)

Quartier de la mutualité , de l'habitat trés dégradé qui sera rasé à la fin des années 60

Quartier de la mutualité , de l'habitat trés dégradé qui sera rasé à la fin des années 60

Début des années 60, certains sont encore dans des caravanes pendant toute l'année en pleine nature

Début des années 60, certains sont encore dans des caravanes pendant toute l'année en pleine nature

Les grand ensembles HLM , symbole du confort pour tous dans les années 60

Quartier Teisseire au sud est de Grenoble (1er ensemble grenoblois de plus de 1000 logements HLM)

Quartier Teisseire au sud est de Grenoble (1er ensemble grenoblois de plus de 1000 logements HLM)

Quartier Teisseire en 1964 -photo Jack Lesage

Quartier Teisseire en 1964 -photo Jack Lesage

Quartier Mistral (2ème  ensemble grenoblois de plus de 1000 logements HLM) - Les barres qui sont à gauche sur la photo

Quartier Mistral (2ème ensemble grenoblois de plus de 1000 logements HLM) - Les barres qui sont à gauche sur la photo

Quartier Mistral 25 ans après. Même avec les rénovations , cela reste des grandes barres. Celle de droite doit être rasée en 2019

Quartier Mistral 25 ans après. Même avec les rénovations , cela reste des grandes barres. Celle de droite doit être rasée en 2019

Village olympique  (2ème  ensemble grenoblois de plus de 1000 logements dont 80 à 90% HLM)

Village olympique (2ème ensemble grenoblois de plus de 1000 logements dont 80 à 90% HLM)

Le Pont De Claix : Les tours des Tritons construites dans les années 60

Le Pont De Claix : Les tours des Tritons construites dans les années 60

er rasées à la fin des années 80 . Un gachis financier (en arrière plan un autre grand ensemble , Village2 d'Echirolles une autre grande réussite architecturale et urbanistique des années 70

er rasées à la fin des années 80 . Un gachis financier (en arrière plan un autre grand ensemble , Village2 d'Echirolles une autre grande réussite architecturale et urbanistique des années 70

Autres projets immobiliers 

2 mondes face à face. Un qui émerge et un qui va disparaitre. Les 3 tours de l'Ile verte livrées en 1967 à coté du quartier de la mutualité rasé en 1968

2 mondes face à face. Un qui émerge et un qui va disparaitre. Les 3 tours de l'Ile verte livrées en 1967 à coté du quartier de la mutualité rasé en 1968

Face aux 3 tours de l'Ile verte, lea construction de l'immeuble  en S en 1964 (photo Jack Lesage)

Face aux 3 tours de l'Ile verte, lea construction de l'immeuble en S en 1964 (photo Jack Lesage)

immeuble  en S en 1964 (photo Jack Lesage)

immeuble en S en 1964 (photo Jack Lesage)

Quartier Malherbe en chantier

Quartier Malherbe en chantier

Quartier Malherbe terminé

Quartier Malherbe terminé

Commentaires

K
Merci pour ces photos et commentaires. Je lis et regarde avec beaucoup de plaisir et attention. Bien entendu je repost.
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