Les verts grenoblois : de la verdure aux vertiges du pouvoir
Les élections municipales de 2020 ont confirmé l'émergence d'un vote vert dans nombre de métropoles françaises(Lyon, Annecy,Strasbourg, Bordeaux...). L'élection d'Eric Piolle en 2014 Grenoble reste pionnière dans ce mouvement qui touche particulièrement la France métropolitaine, La France dite périphérique des petites villes rurales ou moyennes restant hermétique à cet engouement.
Ce post résume 50 ans d'aventures politiques des écolos grenoblois
L'archipel grenoblois et Eric Piolle. Une caricature un peu simpliste mais qui traduit la réalité du terrain ( RCGE = Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes).
La conquête (1970 -2014)
la mouvance écologiste grenobloise est née à la fin des années 60 par l'aggiornamento de groupuscules d'extrême gauche comme des Amis de la Terre , les associations de luttes anti-nucléaires notamment contre la centrale du Bugey et Super Phenix à Malville et le dernier carré de militants du PSU restés hors du PS . Aux élections municipales de 1977 et pour la première fois une liste écologiste « Grenoble écologie pour autogérer la cité » atteint 9,1% aux municipales de 1977 (dont plus de 18%¨ dans le quartier de la Villeneuve), obligeant un deuxième tour à la liste PS-PC-MRG conduite par Hubert Dubedout (49,2% des voix au premier tour), le maire sortant .
En 1982, les écologistes regroupés sous le nom Grenoble Ecologie Autogestion (GEA devenue par la suite ADES) passe une alliance avec la gauche classique PS-PC-MRG sous la houlette du maire sortant socialiste Hubert Dubedout. Ce ne fut pas une réusite. Le maire sortant usé par 3 mandats successifs est balayé dès le 1er tour par la droite emmenée par Alain Carignon. A partir de cet échec , les écologistes présenteront toujours leur propre liste au 1er tour des élections municipales quite à fusionner avec d'autres listes de gauche au second tour. En 1989, bis répétita La liste de droite d’A. Carignon l'emporte dès le premier tour. Les écologistes placent malgré tout 2 élus dans le conseil municipal Au cours du mandat 1989-1995, les écologistes sous la direction de Raymond Avrillier utilisent astucieusement la justice pour faire condamner A Carignon pour faits de corruption, de recel d’abus de biens sociaux et subornation de témoins, à l’automne 1994.
En 1995 et en 2001, les écologistes après des scores conséquents au 1er tour (13% en 1995, 20% en 2001) et une alliance avec la gauche classique (PS, PCF , DVG) au second tour permettent à la gauche de récupérer et de conserver la mairie sous la houlette de Michel DESTOT,leader local du PS. L’affrontement avec le PS à l’intérieur de la majorité va se durcir rapidement et se cristalliser contre les arrangements à la CCIAG (compagnie de chauffage), à GEG (gaz et électricité de Grenoble) et dans d’autres satellites municipaux, ainsi que sur le projet du grand stade de football dans le parc Paul Mistral, un équipement coûteux pour les contribuables sous gestion privatisée . Lors des municipales de 2008, Michel DESTOT se débarrasse des écologistes pour s'allier avec les centristes grenoblois. La liste écologiste empêche Michel DESTOT d’être élu au premier tour et se maintient au second tour en obtenant 22,5 % des voix et 6 élus, qui se retrouvent de nouveau dans l'opposition.
Le changement de sociologie depuis les années 90 qui s'est opérée dans la ville centre , comme cela s'est passée dans de nombreuses grandes métropoles régionales a largement favorisé la mouvance écologiste. La nouvelle bourgeoisie urbaine , appelée affectueusement bobo par ses détracteurs s'est numériquement imposé face à d'autres catégories socio-économico-culturelles. L'ancienne bourgeoisie s'est exfiltrée du centre urbain et a émigré vers les banlieues huppées situées dans le Haut-Grésivaudan. Les nouveaux quartiers populaires du Sud de Grenoble où sont concentrées les populations d'émigration récente (Villeneuve, Village olympique, Teisseire, Mistral), ancien fief électoral des socialistes grenoblois ne votent pas ou peu. Les anciennes classes populaires d'ascendance française ou de vieille émigration ont fuit la ville centre pour du périurbain. Le fruit était mûr pour tomber dans l'escarcelle des écologistes et leurs alliés d'extrême-gauche.
Les bobos (bourgeois bohèmes) ont des caractéristiques somme toutes semblables à Paris et dans toutes les métropoles régionales .Ceux-ci ne forment pas une classe sociale homogène, puisqu'ils n'ont pas d’intérêt économique commun, n'ont pas forcément des revenus faramineux, sont souvent diplômés de l'enseignement supérieur, profitent des opportunités culturelles et votent plutôt à gauche ou extrême-gauche. avec comme idéologie dominante un ensemble de valeurs positives que la droite conservatrice qualifie de « bien-pensante » : l'écologie, l'antiracisme, le féminisme, la promotion de l'égalité des sexes, la conscience de la « finitude » du monde tout cela enrobé d'un peu arrogance, avec celui qui ne partage pas ces croyances .
La victoire aux municipales de 2014 du Rassemblement citoyen de la gauche et des écologistes (RCGE) conduit par E. Piolle contre la gauche traditionnelle doit beaucoup à la prépondérance numérique de cette nouvelle bourgeoisie au sein de l'électorat grenoblois. La droite et le Front national (devenu RN) restant des outsiders en 2014.
Entre les 2 tours Eric Piolle reçoit le renfort de prés de 6000 électeurs. Pour les autres candidats, il y a une sorte de jeu de chaises musicales. Une partie de l'extrême droite se reporte sur la droite modérée qui elle-même perd une partie de son électorat au profit du candidat socialiste. Dans certains quartiers , il y a des électeurs socialistes qui passent dans le camp d'Eric Piolle (environ 1 millier)
Le pouvoir (2014-2020)
Au soir du 30 mars 2014, Eric Piolle exulte. Il devient le premier maire écologiste de l'histoire dans une métropole de cette taille. Mais les "transformations" réalisées par Eric Piolle lors de son arrivée aux manettes font débat : bien engagée pour certains, insuffisante pour d'autres, ou néfaste pour les opposants les plus virulents.
Une économie en panne ?
A partir de 2010, Grenoble a décroché en attractivité face à sa rivale lyonnaise mais aussi face à l'écosystème savoyard ( Chambéry – Aix les bains – Annecy ).Grenoble a longtemps été une ville d'innovation scientifique, avec un temps d'avance au service de l'emploi, mais aujourd'hui, ce n'est plus une priorité. La municipalité d'Eric Piolle assume "une économie du retour au réel", favorisant emplois de proximité, filières d'avenir et circuits courts. Pas sur que cette politique soit suffisante pour revenir dans le concert des villes qui gagnent. L'épopée des grands projets depuis l'installation du CEA et la création du pôle scientifique dans la presqu'ile en 1956 grâce au dynamisme de Louis Neel jusqu'à Minatec en passant par les JO de 1968, la venue de Hewlett Packard et de Caterpillar, la création de ST Micro et son installation à Crolles est aujourd'hui terminée.
La sécurité
Depuis quelques années Grenoble est pointée du doigt pour ses problèmes d'insécurité. . La sortie choc du procureur de Grenoble, en 2017 résume tout : "De toute ma carrière, je n'ai jamais vu une ville qui était aussi pourrie et gangrenée par le trafic de drogue. C'est bien simple, il y a des points de revente quasiment partout." Parfois surnommé le Chicago français, Grenoble traîne une sale réputation que le mandat d'Eric Piolle n'a pas démenti. ' Deux mois plus tard, Eric Piolle recevait la visite salvatrice de Gérard Collomb, alors ministre de l'Intérieur, venu annoncer l'accession de Grenoble au statut de ZRR, et des renforts policiers – 67 au total dans l'agglomération, sur deux ans. Une victoire tardive pour Piolle, qui à elle seule ne suffira pas à faire oublier les dénis du maire (selon ses détracteurs) sur le front de la lutte contre la délinquance.
La pollution
La politique anti-bagnole c'est dans l'ADN de la mouvance écologiste pour lutter contre la pollution et la nouvelle municipalité n'y échappe pas. "L'embellissement" du centre-ville, avec l'extension de la zone piétonne, la limitation de la vitesse de la circulation automobile à 30 km/h et la création de nombreuses pistes cyclables transformées en véritables "autoroutes à vélo" en sont l'arme fatale.
Selon l'INSEE en 2017 15,2% des actifs grenoblois utilisent leur vélo pour se rendre au travail, ce qui place la capitale des Alpes au deuxième rang national, juste derrière Strasbourg (16%) et loin devant Bordeaux, troisième (11,8%). Une performance qui doit beaucoup à la topographie de la ville, entourée de montagnes mais parfaitement plate ainsi qu'au volontarisme de l l'équipe au pouvoir.
Si les cyclistes applaudissent, un certain nombre de commerçants et de riverains n'ont pas été convaincus, pour qui la circulation automobile s'est reportée sur d'autres artères, devenues congestionnées ce qui n'a pas sensiblement amélioré le niveau de pollution . Selon une étude annuelle réalisée par Tom-Tom, Grenoble est ainsi devenue en 2018 la 5ème ville la plus embouteillée de France avec 39 minutes de temps perdu par jour.
La concertation
Les votations citoyennes ont tourné au fiasco. La seule qui ait été organisée pour annuler en 2016 une augmentation des tarifs du stationnement, a mobilisé moins de 7 000 personnes (sur plus de 80 000 inscrits) une participation bien trop faible qui n'a pas permis de valider le résultat de cette consultation mais approuvée par près de 70% des votants. Et en 2018, le dispositif de votation citoyenne a été annulée par la justice administrative, à la demande du préfet. D'autre part face à l'endettement important de la ville ,Le plan d'économies de 14 millions d'euros actant– entre autres – la fermeture de bibliothèques de quartier a provoqué une véritable levée de boucliers.
l'arme anti-bagnole : l'autoroute à vélo qui traverse le centre historique. Ici c'est la portion sur le bd Agutte Sembat vers le lycée Champollion. Là , il est désert A 19h00 en semaine pendant le mois de Juillet c'est un peu normal. Pour l'instant même aux heures de pointe, il n'y a pas foule
Au même moment la portion sur le cours Lafontaine. Le compteur de vélo indique au mois de Juillet autours de 550 000 passages depuis le début de l'année 2021. ça parait élevé mais cela reste modeste par rapport à la ligne A du tramway qui est dans une rue parallèle (20 millions de voyageurs/an avant la COVID)
Baromètre Arthur Lloyd (réseau national de Conseil spécialisé en immobilier d’entreprise, présent dans 70 agglomérations françaises) de la liste des 30 agglomérations les plus créatrices d'emploi entre 2014 et 2019 (hors Paris). Grenoble n'y figure pas
La confirmation (2020)
Le bilan d'Eric Piolle ne l'a pas empêché d'être réélu confortablement faute d'opposants crédibles. Son principal adversaire l'ancien maire de Grenoble Alain Carignon malgré un réseau de soutiens assez dense et un indéniable savoir-faire politique mais traînant des casseroles vieille de 25 ans reste encalaminé autour de 20-25 % des voix ce qui déjà mieux que les 2 autres concurrents, la député LREM Emilie Chalas, sans grand réseau dans la ville et Olivier Noblecourt un rescapé de l'époque de l'ancien maire socialiste Michel DESTOT
Le vote déjà maigrichon baisse de 15.% entre les 2 tours. Au delà du 1er tour , le match était plié . Seul, l'électorat des 2 candidats les plus importants se sont mobilisés pour le second tour
Les votes grenoblois en 2020: A gauche le vote pour Eric Piolle, à droite ,l'anti-vote Piolle , le vote pour Alain Carignon
2022 ou le premier de cordée
Jamais à ce jour un maire grenoblois avait ambitionné d'exercer la magistrature suprême .
Si les élections municipales de 2020 ont été une simple formalité pour Eric Piolle, la marche en avant triomphante vers une candidature présidentielle en 2022 ne prend pas le chemin d'un long fleuve tranquille. Les différentes « affaires » (1) reste encore sous les radars mais l'enchaînement d'évènements politiques défavorables sont beaucoup plus préoccupants pour la crédibilité d'une candidature PIOLLE aux élections présidentielles 2022
(1) Les sources
le rapport de la .cour régionale des comptes (CRC) sur la gestion de Grenoble entre 2011 et 2016
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/commune-de-grenoble-isere
Le postillon, journal local d'extrême gauche qui donne le coup de pied à l'âne :
https://www.lepostillon.org/Un-postier-repond-au-lynchage-mediatique.html
Et enfin le groupe d'analyse métropolitain qui envoie du lourd :
Petit meurtres entre ennemis intimes : Election métropolitaine 2020
Christophe Ferrari (ancien PS) maire depuis 2008 de Le Pont-de-Claix préside la métropole grenobloise depuis 2014 avec l’appui des écologistes et de trois autres groupes politiques (PCF, PS et élus des petites communes de la métropole). Après les élections municipales de 2020,Les écologistes sortent largement renforcés dans la métropole avec 37 sièges sur 119 contre 23 dans le précédent mandat. Eric Piolle, manœuvre alors pour évincer son allié au profit de son propre candidat.
Mais rien ne marche comme prévu. Le PS reste fidèle à son chef de file, les élus des petites communes voient d’un mauvais œil une métropole aux mains d’un candidat de la « ville-centre » et l’opposition (LR, LREM et divers droite) retire son candidat pour apporter son soutien officieux au président sortant. Le résultat est sans appel. Le candidat d’Eric Piolle est battu à plate couture avec 54 voix contre 62 au président sortant au 3ème tour de scrutin.
Autant le vent emporte tout : Elections départementales 2021
En 2015 au lendemain des élections municipales Eric Piolle et ses amis étaient montés à l’assaut du département avec des candidatures estampillés « réseau citoyen », mais ce tour de chauffe n'a pas leu e succés escompté car tous ses candidats furent battus à plate couture.
En 2021, la gauche radicale (EELV, LFI, PCF) dont Eric Piolle est une figure est partie prenante dans le « Printemps Isérois » qui associe toutes les composantes de la gauche et dont le but est de reprendre le pouvoir à la droite au conseil départemental de l'Isère. Mais le « printemps » se transforme rapidement en hiver dauphinois
Non content de n'avoir pas repris le canton de Le Pont de Claix la gauche gagne à l'arrache à Echirolles alors que le sortant est communiste depuis des décennies, perd Fontaine-Seyssinet, le Moyen-Grésivaudan, Vienne -Nord échoue à Meylan (alors que la gauche a gagné la mairie en 2020), ne gagne aucun siège mais en perd 6. Hors du camp retranché que représente la métropole grenobloise et quelques îlots socialistes perdus au milieu d'un monde bleu azur de droite , la gauche radicale, écologistes et associés n'imprime pas et ne représentent pas grand chose.
Le camp retranché des verts grenoblois face à la mer bleue. Les 2 pastilles rouges collées aux verts correspondent au cocoland du sud de Grenoble . Les 2 cantons Tullins et Oisans-Romanche sont des fiefs socialistes
La scoumoune : Primaire écolo 2021
Quand on se projette en 2022 sur toute la France avec une Droite qui contrôle les 2/3 des départements ,la moitié des régions et des villes de plus de 10000 habitants ,une gauche « classique » qui conserve la plupart de ses fiefs locaux, départementaux et régionaux, une extrême droite certes affaiblie mais qui n'est pas ridicule, un parti présidentiel peu implanté localement mais qui nationalement attire 25% des votants,d'autres concurrents de la gauche radicale prêt à en découdre pour s'imposer, la bataille est encore loin d'être gagné pour un candidat écolo pour l'élection présidentielle en 2022. Mais le hold-up électoral réalisé par Emmanuel Macron aux élections présidentielles de 2017, parti de presque rien a donné beaucoup d'idées et espoir aux apprentis candidats
Les résultats de la primaire écolo pour les élections présidentielles de 2022 sont tombés et à l'issue du 1er tour du 19 septembre , Eric Piolle n'en sera pas car arrivé 4ème dans la compétition. C'est un retour au bercail sans gloire et sans reproche qui s'effectue après une saison électorale calamiteuse.